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Le périnée, si on en parlait ?

02 Août 2024 - Temps de lecture : 5 minutes
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Cette zone située en bas du bassin est très particulière, car contrairement au reste du corps, aucun os n’est présent pour aider à soutenir les organes. Il faut donc compter sur la tonicité de l’ensemble des muscles : périnée, diaphragme et abdominaux, et bien prendre en compte leurs interactions. 

Comme un hamac… 

Quand elle aborde le sujet pendant ses formations, Chantal RIBON utilise une image très parlante pour décrire le plancher pelvien : « Je le représente comme un hamac. Cette zone musculaire soutient toute la masse des viscères, (masse liquide) ce qui représente un poids certain. Elle doit donc être solide et tonique, car il n’y a pas d’os pour assurer le maintien, et en même temps être suffisamment souple puisque c’est une zone de passage pour évacuer des matières. Pour cela, les muscles ne doivent pas être trop contractés. » 

Comment fonctionne ce « hamac » ? 

Le caisson abdominal est comme un ballon déformable et incompressible contenant des viscères (masse liquide), avec le périnée dessous. Rappelons d’ailleurs que ce n’est pas une exception féminine, les hommes aussi ont un périnée. 

Ce caisson est soumis à des pressions permanentes : À chaque inspiration, le diaphragme descend et repousse vers le bas l’ensemble des viscères. Certains gestes ou réflexes, tels que souffler dans un ballon, tousser, éternuer, rire… provoquent le même effet. Sur le tapis de gym, un enroulement du dos entraîne l’abaissement des côtés et une pression supplémentaire interabdominale. À chaque fois, les viscères vont là où il y a de la place, c’est à dire vers le périnée, avec le risque de dégrader ce tissu musculaire s’il n’est pas assez tonique pour supporter la poussée. 

Non aux crunchs et aux jumps intensifs 

Si les abdos crunchs étaient autrefois très en vogue, ils sont aujourd’hui un peu délaissés. Mais de nouvelles modes ou équipements arrivent dans les salles. « Nous avons été alertés au niveau de la Commission médicale de la Fédération car ces tendances ont un impact sur le périnée, qui peut être néfaste si on ne prend pas des précautions. Nous préférons donc attirer la vigilance des animateurs là dessus», poursuit Chantal RIBON. 

Quelles sont les pratiques « à risque » pour le plancher pelvien ? 

Les abdominaux type crunchs, qui partent du sol et envoient beaucoup de pression en bas du bassin ; ils multiplient par trois la poussée sur la zone périnéale… Le step et tous les sauts, tels que les jumps. La nouvelle mode du jumping fitness avec son trampoline individuel entre dans cette catégorie. Les chaussures dotées de ressort dessous pour faire du fitness en sautant. Comme toute activité, ces efforts ne sont nocifs pour le périnée que s’ils sont intensifs et mal encadrés. 

Les bons gestes et attitudes à adopter : 

  • Éviter les séries d’abdominaux trop rapides, 
  • Faire les mouvements en conscience en les plaçant bien sur l’expiration, 
  • Privilégier les gainages, 
  • Travailler en isométrie, 
  • Limiter les sauts et les préparer en amont grâce à une contraction du périnée.  

Le rôle de l’animateur sportif est, bien sûr, de veiller à préserver la santé de ses pratiquants. 

Un enjeu de santé et de vie sociale 

Les pathologies liées au périnée vont de l’incontinence urinaire ou anale, au prolapsus autrefois appelé « descente d’organes », et aux diverses hernies liées aux zones de fragilité. Les femmes sont les premières concernées par ces problèmes, en particulier suite aux grossesses. Mais certains jeunes sportifs qui pratiquent intensément, sont également touchés. « Ces pathologies sont très invalidantes pour la personne, observe le Docteur BINOT, médecin fédéral. Ce sont des freins pour participer à des sorties, prendre part à des activités collectives, avec le risque réel de se replier sur soi. » 

En étant sensibilisé sur le sujet, l’animateur sportif peut en parler, donner des consignes de prévention et de prudence, orienter les exercices dans ce sens, inciter chacun à localiser son périnée. Il existe des formations au niveau régional, ou des cursus spécifiques comme la méthode Bernadette DE GASQUET, qui s’inspire du yoga pour prévenir les troubles périnéaux. Comme le conseille Chantal RIBON, « Si l’animateur souhaite en savoir plus sur ce sujet et développer ces apprentissages, le mieux est de se rapprocher du Comité Régional Sports pour Tous pour connaitre les formations disponibles près de chez lui. » 

Les 3 niveaux de prévention du périnée 

Pour Marie-Christine BINOT, médecin fédéral, l’approche préventive concernant le plancher périnéal peut s’organiser selon les 3 niveau de prévention définis par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ils correspondent à des stades successifs de la pathologie : avant, pendant et après. 

La prévention primaire

« Le meilleur moyen reste de diffuser l’information parce que le périnée est un sujet encore méconnu, reconnait le Docteur Binot. Il faut donc en parler à nos publics de sportifs, expliquer ce qu’est le périnée, qu’il doit être entraîné comme un autre muscle et que cela concerne tout le monde -hommes et femmes- à tous les âges. »  

La prévention secondaire

Comment l’animateur peut-il détecter des problèmes éventuels et orienter le pratiquant vers un médecin afin que celui-ci pose un diagnostic ? En étant attentif à certains signaux d’alerte, comme des retenues lors de sauts ou encore des mictions impérieuses obligeant la personne à quitter le cours pour aller aux toilettes précipitamment.  

La prévention tertiaire

Des médecins spécialistes, urologues pour les messieurs et gynécologues pour les dames, vont prescrire des séances de rééducation. Les effets de celles-ci sont en général assez rapides et visibles, si le problème est pris à temps, à condition toutefois de poursuivre les exercices chez soi régulièrement. 

Auteurs
Chantal RIBON
Présidente de la commission médicale jusqu'en 2024
Marie-Christine BINOT
Médecin fédéral
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